monsieur Temps

Je suis donc monsieur Temps.

Jusqu’au bout des doigts, puisque tous deux habitons maintenant mon seul corps, et chacun de ces doigts encore timides sur le clavier, frêle corps farouche en pleine croissance, qui a des besoins d’adolescent et doit se garder du contrôle intempestif de l’esprit que j’ai, avisé et vigilant comme une vieille souris.
Nous entrenourrir sera maintenant notre soin, dans cet inconnu de symbiose subtile, courbures minuscules, glissements, captures cellulaires, qui nous soulèvent doucement d’émotion. Là, mangeons… plénitude discrète, augure silencieux.

Est-ce ainsi que se glisse la musique, que se modèle son corps, ce poisson, cet oiseau, Galatée, sirène ou muse visiteuse, visiteur tempétueux, carillonnant, sorcier envoûtant. Confidente.
Celle qui abonde, pleine et invisible.

Ce jour là, dans cette rue, à Nelson, Lancashire. Peut-être en 1950.
Tous deux chantent. Le pas sur le pavé, le ciel chargé d’eau, les murs amarrés comme un quai, la rue usée de pluies, les fenêtres inquiètes, les cheminées biberonnant le peu de jour, tout chante. C’est une chanson que tous soutiennent de leur corps pénétré.

La musique est partout.
Seule la musique militaire est absente, inaudible dans le vent. Elle se réfugie à la chaleur des fêtes, dans les kiosques, dans les théâtres.

Photographie de John Bulmer

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