Le château hanté, les ombres mêlées qui en débordent, emplissent le parc de leurs échos sortant des couloirs, le son des violoncelles et des voix qui enflent et chuchotent à la radio le soir, des échos encore tout proches de la guerre poursuivent mes parents, me prennent dans leurs jambes et frappent à mes tympans. Ce théâtre d’ombres rampe et se dresse dans la grande scène de la petite enfance.
Mais dehors, sous les arbres qui entourent la maison, dans le jardin, derrière les grilles du muret et le portail, dans l’avenue où passent des voitures à guetter et à compter, des personnages du monde à regarder à distance, et tout près la terre, les fourmis, les haies de troènes où se cacher, bientôt les feuilles mortes des grands trottoirs de l’avenue où patauger, s’en aller des châteaux hantés, se lancer dans l’aventure.
Nos petits corps chétifs sortent de l’épaisseur de la nuit mais restent assombris, alanguis, engourdis et électrosensibles pour toujours. Nous quittons la rumeur de l’après-guerre. Nous sommes la génération du baby-boom et nous allons adorer parler anglais.
Parenthèse ou [parents taisent] tout cela, dans les eaux d’une vieille valise que bien plus tard je reverrai en fouillant la vase dans les pas de monsieur Nuit mais il n’en fera pas plus ni moins de cas que de toutes les décombres qui peuplent la rivière. Que l’écriture soit une thérapie, hum ! c’est peu dire…
.
Peinture de Marc Chagall

Dans les eaux d’une vieille valise… J’aime ! 🙂
J’aimeJ’aime