
Un virus a attaqué il y a deux jours — pourquoi n’avoir pas informé plus tôt ! c’est vrai nous avons pris l’habitude d’informer immédiatement à tort et à travers… mais je ne me suis pas vu crier et gesticuler dans le désert médical. Il a attaqué en soirée profitant d’une brèche gourmande (les gourmands sont des lances mais sont aussi un gaspillage qui nuit à l’organisme, sachant cela j’ai pensé qu’il pouvait être (le virus) un contrôleur de la consommation et je lui ai ouvert mon oreille). Il m’a bousculé sans égard, il a enfoncé tous les petits et grands aménagements de la frontière du bonheur. Par trop douillette, la frontière protège, mais si naïvement, se faisant décorative, attirante, pour vanter son bonheur, y accueillir les nouveaux adeptes, elle peut manquer gravement de discernement. Le virus voit son bonheur d’envahisseur, son énergie explosive dévore autrement plus que la discrète pénétration des mites alimentaires dans le riz pourtant gardé sous haute protection, lesquelles je passai un temps fou à éliminer, cachées en nombre avec leurs larves roulées en grain de riz — c’était l’après-midi même, elles auraient pu me mettre la puce à l’oreille.
Cette « guerre » entre espèces différentes est une donnée de la vie bien antérieure à l’apparition des humains. Chez les humains, elle me paraît contre-nature. Ils sont experts en négociation. Mais peut-être pas plus que les insectes. Leur atout-maître, c’est de pouvoir renier leur nature d’humain.
Hélène Duclos, Déroger à la règle 2 – huile sur toile – 97 x 130 cm, 2022