
La rivière chante pour moi
me dit le peintre, que j’ai suivi dans son petit logement haut perché.
Elle vous parle ?
C’est ce que je lui avais demandé quelques minutes plus tôt sur le pont où il s’appuyait, le nez dans son coude, le col relevé, le bonnet enfoncé sur la tête, le regard immobile comme noyé dans ses pensées.
Il m’avait pris le coude, emmené dans un vieil immeuble proche de là.
Nous sommes arrêtés devant une des peintures fichées sur le mur.
C’est la rivière intérieure, dit-il. Elle habite avec moi, ici, ou même dehors… Je la promène, je n’ai pas besoin de chien. Elle va parler avec l’autre, la vraie, qui coule, en vraie grandeur.
La mienne, elle joue à la peinture. Là, c’est une musique qu’elle fait. Tous les instruments y passent. Et je la vois chanter. De tous ses visages. Danser de tous ses bras, vous voyez…
Il bouge les épaules, il se trémousse.