Le temps se dégage.
J’aimais ces mots prononcés par mon père. Quand on était attentif à cela : à ce qu’il était en train d’advenir annoncé par le ciel, à notre portée, à notre pas.
(Monsieur Temps certainement, s’offrait à moi par ce père.)
Je vois le monde s’ouvrir à chaque pas. Nous sommes une petite coquille de noix qui découvre la forêt et bientôt l’immensité du monde.
Mais comprendre… découvrir ce qui nous a précédé… sur quoi repose notre conscience.

Monsieur Nuit joue à empiler des galets sur la rive. Les yeux brillants, un sourire émergeant du maigre buisson frisé de sa barbe. Il tend le bras vers une pierre, vers une autre, sans hésiter, les pose sur l’échafaudage en équilibre, souvent deux à la fois, ou en amas à son pied afin de l’étayer, ou change les positions déjà acquises par les pierres pour un nouveau rééquilibrage. L’édifice monte et s’élargit.
Il faut que mes mains travaillent
me dit-il, en enserrant le tout doucement entre ses deux paumes,
Le corps est dans la continuité des pierres, et les pierres dans celle du corps.

Je le quitte. Il m’a vidé de mes pensées. C’est la lumière qui les remplace. Comme s’il les avait achevées dans une apothéose.

André Derain, 1906

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