
Le voilà mâle à présent. Cigalon dans sa tendre carapace contre l’écorce de l’arbre. Il s’accroche des pattes. Laisse aller son ventre. Un bruit infernal s’en échappe. Il entre dans le rythme, il scie le son craquelant l’espace ; cela lui rappelle le train qu’il prenait dans son enfance, le ciel bleu et l’odeur des pins craquelés sous le soleil écrasant. Il va sur le piano. Sur les touches il se met à faire du métier à tisser ; enfonce l’une, relâche l’autre ; des couleurs montent, se répartissent, le cigalon s’active, pour lui ce n’est pas une musique uniforme, c’est toute la forêt qui remue, de loin en loin, qui parle, balbutie, appelle. Il reprend langue avec ses compagnons d’enfance, les merles, les oies, le coucou, les hiboux. Il enfonce les pédales, il pastanclaque il exprime l’orgue, presse l’orage, souffle l’harmonium, joue le jazz entendu à la radio. Il peut s’exprimer, il apprend. Il monte au grenier des journées entières. Toute la journée les cigales jouent, travaillent, agacent, écrasent la chaleur des pins. On joue à la balle, au chemin, aux bras, aux jambes, à la mer, au soleil, à la danse, on passe une adolescence entre filles et garçons, on fait sa première surprise-partie, son premier baiser. Voilà tout ce qu’il met maintenant à son piano.
Monsieur Temps l’écoute du coin de l’œil, monsieur Nuit l’observe patauger. Il se tient longtemps à son clavier, active ses doigts gourds de vieille araignée, sautant sur ses jambes, arpentant le plancher, prenant son crayon pour écrire, ou parfois noter les doigtés sur la partition. Il a repris sa forêt en mains. Il ne pense plus aux guerres qui le travaillent. Il ne pense plus aux guerriers fous qu’il voue à l’enfer, momentanément caché dans l’écorce d’un arbre. Il sait l’incendie volontaire attisé par les forts, les soi-disant forts.
Collage de Marie Hubert
bel accueil de l’été! Merci aux mots de chanter si bien sous tes doigts!
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Bonjour Anne !
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on se laisse prendre dans les sons « qui craquèlent l’espace » et on accueille l’image du train de l’enfance, voire à vapeur pour faire tant de bruits ! on accueille aussi tous les oiseaux de la création et on se tapit sous l’écorce nous aussi pour échapper à la chaleur
Toujours cette belle étrangeté des personnages chez vous, René, soutenus par les images si soigneusement choisies…
à vous lire
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Des personnages soutenus par des images, voilà qui est beau, merci Françoise.
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