Une grenouille a sauté pour dire J’existe !
Et tout le monde aussitôt l’a cherchée partout. Mais la porte de la maison de l’eau s’est refermée. Tout le monde dans le jardin sait maintenant qu’elle existe. Les peaux sont frémissantes, les joues rosées, les regards vifs, les cœurs chauds, certains se caressent, d’autres s’observent ou prennent le sentier, solitaires, chacun et tous s’affairent dans la maison qui grandit beaucoup ces jours-ci.
J’arpège pour faire chanter le piano, retrouver les tons que nous avons déjà aimés ensemble. Le temps s’amuse à faire des boucles, composer des petits bouquets et les rejeter sur l’eau. Isabelle a fait une épître pour Léa (de l’anc. franç. epistle, du lat. epistola, de έπιστολή, longue lettre, dit Littré). Écrit pendant toute une année, la nuit, le texte est devenu (au montage, comme disent les cinéastes), une seule nuit, que l’on voit s’éclairer peu à peu jusqu’au matin, une nuit pendant laquelle une femme écrit à une femme. Le monde entier à bout de bras.
Mon grand-père, quand il fabriquait un automate ou une marionnette, ou même une petite poule de toile cirée, ou une simple histoire, après un travail patient, tressautant, lâché, repris, voyait le personnage se mettre à vivre son propre temps, sans les atermoiements du temps d’un autre. Tu ne le sais pas au début, et même jusqu’à la fin, tu ignores que cet être émergeant, fait de toutes pièces, est en train de se doter d’un cœur, d’une circulation sanguine ou de tout autre chose qui lui convient pour vivre, une âme, des branchies, que sais-je, des branches, des feuilles… le voilà vivant, d’une vie peut-être éphémère comme toutes les vies, peut-être plus durable, selon son support matériel — car nous en avons tous un —, si c’est un livre, il peut mourir très jeune par les flammes ou les eaux, ou peut s’éterniser de copie en copie, s’altérant, se modifiant peu ou prou en se frottant au monde.
Le petit être qui prend vie pioche dans nos becs les petits trésors de nourriture qui lui conviennent, il devient aussi notre trésor.
En plein vol, les petits pourpoints blancs coupés en delta s’ajustent à la ventrée de ciel bleu que sont en train de s’envoyer les toutes jeunes hirondelles, vives comme des étincelles, s’abandonnant comme des voiles au vent.

André Derain, Portrait de Vlaminck
Vlaminck est un de mes peintres préférés.
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Ici c’est Derain qui le portraiture.
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Je sais. Je ne connais pas ce Derain, du coup, je vais aller fouiller. Merci.
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De la grenouille à l’hirondelle (celle de la récente couvée, toute étonnée, et ivre, de savoir voler) beaucoup de courbes douces. Au milieu de l’une d’elle, le grand père dense et vivant. Agréable voyage.
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