
Le livre que je suis en train d’écrire me surprend — depuis plusieurs jours que je le cherchais.
Je le sens me sillonner l’intérieur du corps comme une piste de motocross.
Puis il disparaît, il s’enfonce je ne sais où, il doit y avoir une forêt profonde ou est-ce l’océan qu’il a rejoint. Il y règne un silence lourd, une obscurité à laquelle on s’habitue et qui se perd à son tour dans une transparence qui fait qu’à nouveau c’est la maison qui occupe l’espace, avec le piano resté ouvert qui nous regarde de toutes ses dents, serrées, comme un long reproche muet, impassible, parmi des murs, des fenêtres, des meubles impassibles. Une volée de feuilles plantées dans un bac resplendit de verts dans toutes les langues, se tendant en nuances sombres ou claires, lissant, tirant le jaune, l’argent, les orbes filetés du bleu, du noir. Vert en reflet, en regain, une polyphonie s’épanouit, danse, se pourlèche au ralenti, presque immobile, long adagio d’un chœur planté sur tiges fines, délicats échassiers déployant leurs ailes les unes aux autres mêlées dans une étreinte savourée, aérienne, terrienne où des traces de ciel bleu glissent, où des vagues outremer s’allongent, se courbent en tombées gracieuses. Le livre est là qui s’attarde, se montre toutes lignes ouvertes, s’allongeant en flammes vertes paisibles, dardant leur matière profonde en déplis de salive lumineuse. Le temps est vaincu, le temps est allié, rien ne s’arrête plus, les langues d’un autre âge affleurent ainsi que font les étoiles rejoignant un nouvel univers. Il faudra écrire, jeter les mots comme une manne à ce bouquet posé, à ces oiseaux venus partager l’enchantement.
Photographie de Adèle Nègre
comment sait-on que c’est un livre vraiment ? oui il sillonne le corps et prend corps dans la transparence
très beau cette naissance
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C’est un livre parce que je l’ai décidé. Mais il ne sera jamais un livre vraiment.
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il suffit de poursuivre …
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