
Je me demande si Ovide, quand il racontait toutes ces histoires de métamorphoses, savait ce qu’il faisait, s’il avait conscience d’être à la fois le plus archaïque et le plus moderne des écrivains (au point de l’être, pour moi, plus de deux mille ans plus tard).
Il est vrai qu’il y a beaucoup de questions — comme celle-ci — que je ne me pose plus dès que je suis en présence de monsieur Nuit. La pensée alors ne m’apparaît plus que comme un jeu. La conscience même se dissocie de moi pour entrer dans le sac de monsieur Nuit. Il n’y a qu’une conscience, elle tient dans un sac. Comment se fait-il que cette pensée — si puissante — je ne puisse la maintenir qu’en me servant des verres de vin, ou en grignotant des galettes de riz, ou en allant marcher à grands pas dans les rues, ou en dansant. Qu’en excitant le corps pour qu’il compense cet embrasement de pensée.
Monsieur Nuit, je le comprends, en est devenu vieux, difforme, impotent, grotesque — mais pourquoi me le dire, me le montrer ainsi ? — Il n’y a qu’une conscience. Elle est un jeu. Héraclite l’avait vu, il y a bien longtemps. Ce n’est qu’un jeu d’équilibre des contraires. Et là dedans, tous les moindres micro-jeux, tous les jeux de nuances sont possibles, toute la musique la plus merveilleuse, la plus éclatante, la plus subtile, celle des cordes pincées, des percussions, du souffle du vent ou la bouche s’offrent à nous, la suspension de l’air, la flottaison de l’eau.
Tant de secrets que l’on apprend. Mais comment pourrais-je dire cela un jour, et à qui ? Monsieur Nuit baisse les paupières sur ses yeux étranges. Il ne dira rien.
Il n’y a qu’une conscience. Elle éclaire le monde.
Tapisserie de Pierre Boncompain, Nu à la rivière
mais qui est véritablement Monsieur Nuit ?
« il n’a qu’une conscience, elle tient dans un sac » Un sac que je me représente balancé sur son épaule à la façon d’un sac de grain mais pas aussi lourd.
Est ce lui qui déteint la capacité à embraser la pensée à travers les rêves et les étoiles ?
Autant d’images suscités par ce texte d’une grande pureté…
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« Il n’y a qu’une conscience », je rectifie car la coquille (effacement du « y ») peut effectivement empêcher de comprendre qui est monsieur Nuit !
Mais votre image du sac… pas aussi lourd, et votre question sont très belles et touchent très juste !
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Un parallèle (à moins que je ne me sois fourvoyé) très enrichissant entre les modalités de pensées et les possibilité pour la musique de s’exprimer.
(En fin de parcours du texte les points cardinaux étaient délicieusement mélangés)
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Autrement dit, des parallèles qui se rejoignent !
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