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Morceau à vendre
photo Thami Benkirane

mange à tous les râteliers, pisse sur tous les murs, tourne la page, passe d’un bord à l’autre, entre et sors comme dans un moulin, j’aime à l’aventure, m’attache sans réserve et m’enfuis au moindre danger.
Assez parlé de moi, le monde est si vaste, la contradiction a cent fois raison, à nous tous, à chacun-chacune, chacune et chacun, retroussons les manches enfilons les jupons, dansons la carmagnole y’a pas de pain chez nous y’en a chez la voisine mais ce n’est pas pour nous houououou mais alors sens dessus dessous comment allez-vous…
Dans mon cahier j’ai couché les bottes de radis les points d’honneur les rêves à la camomille les chansons en tire-bouchon. Il y a de quoi faire sur le bord du chemin en attendant de rentrer dans la ronde, de répondre à la demande, de formuler la question et tout à l’avenant, la vie nous attend, le monde à sa fenêtre et mirontaine et mironton.
J’attends que les oiseaux déchiffrent avec leurs ailes l’écume du ruisseau. Qui va à l’école des poches percées, qui cache sa peur le dos au mur, couche dans le sable des larmes perdues, qui peine fait le lit des fleurs pour d’autres yeux, foutu monde mais il n’y en a pas d’autre. Parfois, mais où allons-nous percher, nous voyons de très haut ses morceaux où nous sommes rapiécés l’un avec l’autre, morceau de poisons, traînée de poudre, diaboliques et angéliques main dans la main. Qui va là ? crie soudain une voix derrière toi.

alors court comme il sait encore le faire et disparaît comme un rat dans ce quartier de la ville où il a ses planques. Sinon le pire est vite arrivé. Mais des familles vivent dans l’entre-deux-monde. Il connaît aussi les corridors qui débouchent dans les quartiers riches, où on a ce qu’il faut pour se changer, se métamorphoser même, de rat en libellule ou en sardine — sardines c’est léthargiques passe-partout, moutons opportunistes, monsieur madame tout le monde, on se presse.
Mais ici c’est le Sud très avancé. Fracture plus franche, plus durement ressentie. L’art est notre refuge. Vivre même est un art.

quant à savoir pourquoi je fais le dos rond c’est une longue histoire. Chaque nuit elle me bégaye un mot, toujours le même, de plus en plus fort jusqu’à ce que je lui ouvre, non pas la porte elle ne s’en embarrasse pas, le dos, les reins, elle frappe direct, les nerfs qu’elle fait crier, crier son nom mais il semble inconnu tant est proche et familier, comme d’avant la parole, un nom de corde ou de bois, poli, devenu doux à force de cruauté, force des bœufs, du cheval, passé toujours présent, trace fidèle. Tour à tour flèche, et baume. La nuit protectrice te livre au diable, enfant de la guerre ou de quoi d’autre que tu ne sais pas. Bagage, inconnu du corps, son inséparable, il le porte (son corps). Son corps qui le porte.

Pousse-toi, du Corps, qu’il lui dit et le fait trébucher. Trébuche ! répond l’autre, poussant son propre corps d’un coup d’épaule, mais se rétablissant saisi à la taille par ses deux mains. Auguste ! sorti sous les rires.
Il faudrait se faire accepter, pense-t-il. C’est un avertissement.

Photo Thami Benkirane, « Morceau à vendre » Fès ville nouvelle, le lundi 23 décembre 2024.

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